Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

vendredi 30 octobre 2015

Qui est encore capable d'écrire un message de plus de 140 caractères?

Quand je dis que «plus le monde sera hi-tech, plus je reviendrai aux bonnes vieilles méthodes», ne semblai-je pas me contredire en écrivant dans un blog?

Sur le coup, on dirait que oui.

Sauf que quelqu'un me disait il y a deux ans qu'il avait arrêté d'écrire sur son blog «parce que les blogs, ça fait tellement 2010»...

C'est vrai. La mode des blogs est déjà passée. D'ailleurs, les journalistes professionnels et les médias mainstream ont récupéré les blogs pour les dénaturer. Lorsqu'on lit leurs soi-disant «blogs», je m'excuse, mais ce n'est pas ça pour moi un blog: leurs blogs, c'est de la merde impersonnelle.

Ce n'est pas compliqué: quand le côté personnel du blog fout le camp, ce n'est plus un blog. Le côté personnel, c'est aussi l'absolue liberté d'opinion. Or, comment peut-on avoir l'absolue liberté d'opinion quand on appartient à un grand journal?

C'est comme l'histoire du client qui croit que la pute qui est en train de le sucer dans son auto l'aime; la pute dit en retour à son client qu'elle l'aime, alors il lui donne toujours plus d'argent. Mais si elle l'aimait vraiment, elle refuserait son argent. Et si elle refusait son argent, elle ne ferait pas ce genre de cochonnerie avec le gars en question, parce qu'elle serait sa femme, et le gars, étant un homme à putes, se lasserait d'elle, et elle redeviendrait finalement une pute. Tout ça file à 200 à l'heure dans la tête de la pute et elle réalise en un instant qu'elle n'a pas vraiment le droit d'aimer si elle veut continuer à faire de l'argent, et que tout cela doit rester un jeu de faire accroire à l'autre que, etc.

C'est la même chose pour le journaliste.

Et c'est pourquoi les blogs mainstream sont impersonnels comme un blowjob, «tout en nous faisant accroire que...».

Pour revenir à la question: est-ce que je me contredis en disant que je reviens aux bonnes vieilles méthodes, tout en écrivant sur un blog?

La réponse dépend de comment on aborde le problème. Si on l'aborde du point de vue du fait que c'est un moyen hi-tech d'écrire, en effet, je semble me contredire. Cependant, comme j'ai déjà dit, les blogs sont passés de mode: les gens n'écrivent plus sur des blogs, et je doute même qu'ils continuent à écrire quoi que ce soit, sauf peut-être sur Twitter ou Facebook.

Or, on s'entend, écrire sur ces médias ce n'est pas écrire. J'ai quitté ces médias, dans le temps, précisément pour pouvoir écrire. Si les gens ont fait le mouvement inverse, c'est qu'ils se sont rendu compte qu'écrire était difficile, ou qu'ils n'avaient rien à dire. Quand leur auditoire a commencé à se faire rare, ils ont arrêté d'écrire. C'est normal, je suis passé par là, et de plus, par ma faute, par volonté de me cacher du monde. Mais, un moment donné, le clapet ne m'arrête plus, alors je suis obligé de continuer à écrire, même si plus personne ne me lit, parce que plus personne ne sait où je suis. J'écris, j'écris, j'écris... C'est incontrôlable. Ça me sort par les oreilles et les trous de nez.

Tout ça pour dire que dans ce contexte, ce sont maintenant les blogs qui sont la bonne vieille méthode, parce que la question ne porte plus sur le médium utilisé pour écrire, mais sur le fait même d'écrire.

À cause de la mode, je suis rétro en écrivant sur mon blog. C'est drôle à dire, mais en 5 ans, une façon d'écrire, la façon qui ressemble le plus à l'écriture sur papier, est devenue démodée. Mais en réalité, je ne suis pas rétro parce que j'écris sur un blog, mais parce que j'écris, point.

Tantôt je vais être rétro parce que je vais continuer de penser. C'est vrai au fond, pourquoi se donner la peine de penser, alors que Google pense pour nous?

Mon affirmation est encore plus évidente quand on constate que les jeunes ne sont plus capables d'écrire ni sur une feuille papier, ni sur un blog, ni dans un travail d'école sans faire de fautes. On retrouve beaucoup de copiés-collés dans les travaux, et j'imagine que ça, ça ne passera pas comme une mode, parce que la loi du moindre effort, quand on l'encourage comme aujourd'hui, creuse ses racines toujours plus profondément en nous, jusqu'à l'abjection.

Mon choix du blog est un choix à long terme, et c'est aussi ce qui me convient le mieux personnellement, parce que j'en ai beaucoup à dire. Cependant, ce que je dis, c'est qu'écrire des messages limités à 140 caractères, à la longue, ça fait des débiles quand t'as pas connu autre chose. Même chose pour les textos pleins de fautes écrits à deux doigts: on vient qu’on ne sait plus comment écrire, et notre façon de communiquer atteint le langage directement. McLuhan disait: «le message, c'est le médium».

Effectivement, le message prend la forme du médium utilisé.

Et aujourd'hui, nos médiums sont déformés.

Donc nos messages sont déformés.

Et nos esprits sont déformés.

Ne laissez pas les compagnies vous imposer leur façon de communiquer, c'est-à-dire, à coup de slogans.

Car toute communication ressemble de plus à plus à des slogans.

Et quand il y a des slogans partout, il n'y a plus de pensée, plus de liberté.

Il n'y a que l'ombre terrifiante du totalitarisme qui s'annonce.

4 commentaires:

  1. Il me faut relire ton message riche de choses que mon esprit un peu faible a du mal à comprendre du premier coup -
    Juste , au sujet de " le message c ' est le médium " ( Mc Luhan ) je comprends bien que tu recherches quelle est la confusion dans cette histoire - car confusion il y a - mais pour ma part je crois avoir fait la lumière sur cette sinistre histoire :
    Le message n ' est PAS , et ne sera jamais le medium -
    Tel message qui aura été exprimé en telle ou telle langue peut l ' être aussi bien - ou mieux - en une autre langue , un autre média .
    Le média , comme le langage , sont des " consensus " qui doivent " fonctionner " , sous-peine de ne rien vouloir plus rien dire , donc essentiels , MAIS le contenu du message doit faire aussi consensus , ou pas , auquel cas il n ' aura pas non-plus de raison d ' être -
    Trop souvent ainsi des soit-disant messages disparaissent , non parce que leur média est inapproprié , mais + parce que le contenu m^me du message est insuffisant -
    Amicalement - Charles -

    RépondreEffacer
  2. On peut faire dire ce qu'on veut au «the medium is the message» de McLuhan, mais en gros, ce que ça veut dire, c'est que par exemple, un gars veut dire à une fille qu'il est en amour avec elle: s'il le fait par courriel, ça risque d'être drôlement romancé; s'il le fait par lettre, ça va prendre une autre forme encore plus littéraire; s'il le fait en personne: il ne saura pas quoi dire ou dira des banalités. La forme que prend le message dépend du média utilisé pour le diffuser. Un exemple inverse du précédent: si j'ai des choses banales à dire, genre passe-moi le sel, fais le ménage, il fait beau dehors, j'ai mal au cul, je n'irais pas prendre du papier de qualité et une plume biseautée pour l'écrire en calligraphie: un courriel sera suffisant.

    RépondreEffacer
  3. Tout ce que tu écris est selon mon petit moi égotiste très, très juste. Beaucoup de gens ont fini par abandonner la rédaction de billets sur leur blog au cours des dernières années. Ma blogoliste est devenue vide et fantomatique. Il reste toi et quelques autres pour donner l'illusion qu'il y a une vie littéraire dans la blogosphère. Pourquoi tant de gens s'accrochent à Facebook et Twitter? Parce que ça ne demande pas d'efforts. On peut y écrire des suites d'onomatopées et d'acronymes débiles puis être repris par un million de zoufs incultes. Je ne te cacherai pas que j'ai un compte Facebook et un compte Twitter. Je m'en sers essentiellement pour y sortir mes vidanges et avoir accès à quelques drôleries alternatives. Je préfère de loin une pensée structurée comme la tienne, que je sois d'accord ou non, à cette simili liberté d'expression qui prend la forme de photomontages enfantins et de goulougoulou-pouetpouets.

    RépondreEffacer
  4. J'aime bien le «goulougoulou-pouetpouets»,,, :D

    C'est vrai qu'y a plus grand monde sur les blogues... comparé à il y a quelques années...

    Le lectorat est partit en même temps...

    Ça fait aussi du bien d'avoir moins de connard(e)s pour nous lire.

    RépondreEffacer